Don César de Bazan
Affiche pour la création de Don César de Bazan par Célestin Nanteuil (1872)
Opéra-comique en trois actes et quatre tableaux, livret d'Adolphe DENNERY et Jules CHANTEPIE, d’après Don César de Bazan, drame en cinq actes mêlé de chant de Dennery et Dumanoir (Porte-Saint-Martin, 30 juillet 1844), lui-même inspiré du personnage créé par Victor Hugo dans son drame Ruy Blas (1838), musique de Jules MASSENET.
Création à l'Opéra-Comique (2e salle Favart) le 30 novembre 1872. Mise en scène de Charles Ponchard.
Première à la Monnaie de Bruxelles le 16 novembre 1896.
Une version remaniée et réorchestrée fut écrite par Massenet en 1888, en quatre actes (le 2e tableau de l'acte III devenant l'acte IV), avec adjonction d'un ballet au début de l'acte III ; le Duettino n°14 devenant un Duo entre le Roi et Don César (Qui suis-je ?...), l'Ariette n°16 devenant un Duo-nocturne entre Maritana et Lazarille (Aux cœurs les plus troublés), et l'Air n°17 étant supprimé.
De l'entr'acte du 1er tableau de l'acte III, Massenet a tiré une mélodie, Sevillana.
personnages | emplois |
Opéra-Comique 30 novembre 1872 (création) |
Monnaie de Bruxelles 16 novembre 1896 (1re) |
Maritana | soprano | Mmes PRIOLA | GIANOLI |
Lazarille | mezzo-soprano | GALLI-MARIÉ | HENDRIKX |
Don César de Bazan | basse chantante ou baryton de grand opéra | MM. Jacques BOUHY | Frédéric BOYER |
Charles II, roi d'Espagne | ténor | Paul LHÉRIE | BONNARD |
Don José de Santarem, premier ministre | basse | NEVEU | GILIBERT |
le Capitaine des Gardes | baryton | François BERNARD | DANLÉE |
un Juge - un Bourgeois - un Soldat - un Valet | |||
Hommes et Femmes du Peuple - Soldats - Arquebusiers - Seigneurs et Dames de la Cour | |||
Chef d'orchestre | Adolphe DELOFFRE |
Bien qu'écrit en clé de sol, le rôle de Don César de Bazan, spécialement écrit pour M. Bouhy, est un rôle de basse chantante ou baryton de grand opéra.
notes de Massenet donnant la distribution d'une reprise de Don César de Bazan
Catalogue des morceaux
Ouverture | |||
Acte I. - la Piazza Mayor à Madrid | |||
01 | Introduction. A. Chœur | Dès que le tambour sonne | Gens du Peuple |
Introduction. B. Ballade aragonaise | Par un frais sentier | Maritana, Gens du Peuple | |
Introduction. C. Scène, Prière et Strette | Maritana, le Roi, Don José, Gens du Peuple | ||
02 | Mélodie | L'amour !... Un amour implacable | le Roi |
03 | Air | Partout où l'on chante | Don César |
04 | Quatuor | Le voilà ! qu'on le saisisse ! | Lazarille, Don César, Don José, le Capitaine |
05 | Finale | Bohême charmante | Maritana, Lazarille, Don César, Don José, Gens du Peuple |
Acte II. - l'Intérieur d'une forteresse | |||
06 | Entr'acte | ||
Berceuse | Dors, ami | Lazarille | |
07 | Couplets | Riche, j'ai semé les richesses! | Don César |
08 | Duo bouffe | Me marier ! | Don César, Don José |
09 | A. Chanson des Matalobos | Piller, voler et prendre | Don César, les Soldats |
B. Lecture de l'arrêt | |||
C. Madrigal | En vous, je vais placer, madame | Don César | |
10 | Air | Cœur loyal, âme forte | Lazarille |
10 bis | Mélodrame - Sortie de la chapelle | ||
11 | Finale | Grand Dieu ! quel est ce bruit ?... | Maritana, Lazarille, Don César, Don José, Suite de Maritana |
Acte III. - Premier tableau : Au palais de San Fernando | |||
12 | A. Entr'acte - Sevillana | ||
B. Chœur et Romance | Cette splendeur... Je sais qu'il est une âme | Maritana, Chœurs | |
13 | Cavatine | Que de ta lèvre en fleur | le Roi |
14 | Duettino | Résister ?... à qui donc | Lazarille, Don César |
15 | Grand Duo | Je m'en souviens !... | Maritana, Don César |
Deuxième tableau : un Oratoire | |||
Entr'acte | |||
16 | Ariette | Je suis presqu'enfant | Lazarille |
17 | Air | Oui, je suis le roi ! | le Roi |
18 | A. Mélodrame | ||
B. Grand Trio | Je vous l'ai dit | Maritana, le Roi, Don César | |
C. Scène finale | Le Roi ! le Roi ! | Maritana, Lazarille, le Roi, Don César, Chœurs |
Frédérick Lemaître dans Don César de Bazan, drame de Dumanoir et Dennery
Don César de Bazan, drame de Dumanoir et Dennery, acte V, scène IV
Le sujet de cet opéra est emprunté à un drame en cinq actes et en prose, écrit par les mêmes auteurs et représenté au théâtre de la Porte-Saint-Martin en 1844. A une époque où le romantisme était encore en faveur, où Frédérick Lemaître était le Talma du boulevard, les personnages du drame de Victor Hugo, Ruy Blas, Maritana, Don César de Bazan devinrent assez facilement célèbres. Wallace, le compositeur irlandais, a même fait preuve d'un rare mérite dans son opéra de Maritana. Il me semble que c'était assez d'honneur pour cet hidalgo dépenaillé. D'ailleurs, le sujet n'est pas lyrique. L'œuvre littéraire, débarrassée de ses tirades et de ses récits descriptifs, n'offre que peu d'incidents dramatiques ; l'action est pauvre et les épisodes dépourvus de cette sensibilité qui est la principale source de l'inspiration chez le compositeur. La musique de cet ouvrage est plutôt symphonique que dramatique ; la partie vocale est sacrifiée à des effets harmoniques ou rythmiques qui lui ôtent souvent toute expression et tout caractère. Le coloris instrumental est la faculté maîtresse du compositeur. Les idées sont rares, l'inspiration dramatique peu naturelle. Tout ce que le sujet renfermait de motifs pittoresques, au point de vue littéraire, a été exploité par le musicien ; ce procédé est plus ingénieux qu'efficace dans un opéra. Beaucoup de nos compositeurs, égarés par l'enseignement qui leur a été donné et par les exemples de leurs maîtres, se sont fait une idée erronée de la musique dramatique. Ils y ont fait une part trop grande au genre descriptif. Ce qui est admirablement à sa place dans les symphonies de Beethoven et dans les Saisons d'Haydn est un hors-d’œuvre dans un opéra où l'action, la passion et la sensibilité doivent dominer. Cela me fait l'effet du concert qui précède le bal. Les jeunes danseuses n'écoutent pas et trépignent d'impatience. Elles sont dans leur droit. Motifs espagnols, fandangos, boléros, sévillanes, séguedilles, sont traités avec beaucoup de science et de talent. Mais à peine trouve-t-on dans cet ouvrage, en trois actes, quatre ou cinq mélodies qui captivent ; et encore il n'y en a aucune qui soit complète, qui ait un commencement, un milieu et une fin, tant l'auteur paraît avoir horreur de la cavatine, dont les jeunes musiciens s'éloignent comme d'une vipère. Qu'ils se rassurent ; elle ne leur fera jamais de mal. On a remarqué l'introduction, le premier entr'acte, une berceuse fort jolie ; Dors, ami, dors, et que les songes t'apportent leurs riants mensonges ; la scène de la mariée dans laquelle l'orgue et les effets de cloches produisent un effet charmant, et un trio assez dramatique. (Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément, 1872)
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Fragment du manuscrit de Don César de Bazan
C'est véritablement dans la partition de Don César de Bazan que Massenet devait révéler, en 1872, les précieuses qualités d'homme de théâtre qui allaient lui valoir une si brillante carrière. On peut reconnaître dans cet ouvrage de jeune, la valeur de l'instinct dramatique et la fluidité de l'inspiration de Massenet. Certes, il serait exagéré d'affirmer que la musique atteint toute la délicatesse, toute l'originalité, toute la puissante séduction que les œuvres suivantes, les Erinnyes, Marie-Magdeleine, le Roi de Lahore, attesteront peu de temps après à un degré infiniment supérieur. L'intrigue de Don César de Bazan ne manque ni d'intérêt, ni de vivacité, ni de mouvement ; mais elle est bien compliquée. Tout le monde connaît la pièce dans laquelle d'Ennery et Dumanoir ont parachevé la silhouette du Don César de Ruy Blas que Victor Hugo avait esquissée. C'était évidemment une bonne fortune pour un compositeur que d'avoir à mettre en musique ce drame populaire de cape et d'épée plutôt que de tomber sur le livret banal d'un inconnu qui connaîtrait déjà trop son métier. La transformation en livret d'opéra-comique a dû être aisée, car il a suffi de réduire les deux derniers actes de l'ouvrage en un seul et substituer au dialogue en prose des couplets en vers sur les indications du musicien. Rappelons brièvement les péripéties de l'action. Don César de Bazan, grand d'Espagne ruiné, qui mène une vie aventureuse et qui, sous ses vêtements déguenillés, cache une âme très noble, se bat en duel pendant la semaine sainte pour sauver un jeune enfant, Lazarille, des mains d'un capitaine qui le brutalisait. Or un édit royal a été rendu contre le duel, condamnant à être fusillés tous ceux qui se battraient pendant le courant de l'année, la semaine sainte exceptée ; les duellistes surpris pendant cette période devront être pendus. Don César de Bazan est donc arrêté, jugé et condamné dans les vingt-quatre heures. Il reçoit dans sa prison la visite de son ancien compagnon, Don José de Santarem, devenu premier ministre de Charles II, roi d'Espagne ; or, le condamné ignore les hautes fonctions de son ami. Don José a machiné toute une intrigue pour atteindre un but secret : il est amoureux de la reine ; mais celle-ci ne veut tromper son mari que par dépit, quand il lui sera prouvé que le roi la trompe. L'austère Charles II est précisément amoureux de la belle chanteuse des rues, Maritana. Don José promet à cette dernière richesses et honneurs, si elle veut faire aveuglément ce qu'il lui ordonnera. Don José lui fera épouser don César une heure avant la mort de celui-ci, de telle sorte que le roi, qui ne pouvait prendre pour maîtresse une chanteuse des rues, n'hésitera plus à déclarer sa flamme à Mme la comtesse de Bazan. Ce qui est projeté s'accomplit sans qu'on lui donne aucune explication. Don César promet d'épouser qui l'on veut, pourvu que Lazarille soit pris au service de Don José et que la peine de pendaison soit convertie en fusillade. Le mariage a lieu dans la prison. Maritana a le visage recouvert d'un voile épais qui l'empêche de voir et d'être vue. L'exécution suit immédiatement la cérémonie ; et la jeune veuve, qui ignore son veuvage, est envoyée au palais de San-Fernando où elle acquiert les belles manières convenant à une noble dame. On lui a dit que son mari exilé ne tarderait pas à revenir ; et c'est le roi qui vient la rejoindre en se faisant passer pour Don César. Mais elle lui déclare qu'elle ne l'aime pas ; Charles II va faire valoir ses droits d'époux quand arrive Don César que Lazarille a sauvé de la mort en retirant les balles des mousquetons. Don César refuse de se battre avec son roi ; mais il va surprendre Don José aux pieds de la reine et le tue. Charles II, pour récompenser ce loyal serviteur, le fait gouverneur de Grenade, résidence où l'ancien aventurier ira couler des jours heureux en compagnie de sa belle épouse. *** La partition de Don César de Bazan ne manque pas d'une certaine couleur populaire. Il y a du mouvement et de la puissance dramatique dans le quatuor du premier acte : « Le voilà ! qu'on le saisisse ! », où Lazarille supplie ingénument, tandis que se croisent les phrases brutales des soldats et les exhortations de Don César à la clémence en faveur de ce pauvre Lazarille. Au deuxième acte, il faut citer la Berceuse de Maritana, une page tendre et d'inspiration raffinée, qui est déjà de la grande famille des phrases de Massenet. Le troisième acte est certainement le meilleur de l'œuvre. L'Entracte Sévillana qui lui sert de prélude est encore aujourd'hui populaire. Il est d'allure brillante et pittoresque, avec des rythmes très caractéristiques. La danse chantée qui suit a de la verve et du brio, et la disposition des voix du chœur est très originale. Le duo entre le Roi et Don César est écrit dans un mouvement juste, avec une sobriété de touche qui annonce un vrai tempérament de théâtre. Massenet s'y révèle avec des qualités de comique qu'on trouve assez rarement chez lui, car sa nature musicale le dispose à la tendresse et à la passion ; il y en aura pourtant des exemples plus tard dans Manon aux répliques du sergent Lescaut et du comte de Morfontaine. On peut louer encore dans cet acte la sincérité du duo final. Le quatrième acte est tout d'action ; il est d'une facilité qui se ressent de la hâte avec laquelle l'ouvrage a été écrit. Massenet, en effet, avait hérité du livret de Don César qui ne lui était primitivement pas destiné. Duprato devait écrire la partition pour l'Opéra ; il trouva que le sujet ne convenait pas à son tempérament ; il s'arrêta en route. Les auteurs, d'Ennery, Dumanoir et Chantepie, allèrent s'entendre avec Massenet qui arriva au jour promis avec sa partition achevée. Don César de Bazan fut fort bien accueilli par certains critiques, plus durement par d'autres qui accusèrent le compositeur de vouloir pasticher Wagner. Le reproche nous semble aujourd'hui bizarre. Don César n'eut que treize représentations à l'Opéra-Comique, huit en 1872 et cinq en 1873. La partition originale fut détruite dans l'incendie de l'Opéra-Comique. Massenet la réécrivit en 1888, la remania et la réorchestra. [Sur cette partition remaniée qui a été réimprimée, le nom de Dumanoir, le collaborateur de d'Ennery, a disparu de la couverture. Il ne reste que celui de Chantepie qui avait transformé le drame en opéra-comique ; c'est sans doute un oubli fait à l'impression.] L'œuvre n'a jamais été reprise à Paris ; mais elle a été donnée souvent en province. (Louis Schneider, Massenet, 1908)
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